La grande lessive c’est seulement deux fois par an et c’est à chaque fois un évènement vécu par tout le village comme un soulagement.
Celle de printemps se fait toujours fin avril (en mai ça porte malheur: « Far la bua * en mai, c’est laver son linceul. ») et témoigne de l’arrivée des beaux jours et la seconde, après les gros travaux d’été, marque la fin des grosses chaleurs, de la sueur et de la poussière.
Alors du linge empilé, vous pensez s’il y en plein les armoires et les buffets! Au moins trois jours de travail! Et les hommes ne seront pas les bienvenus dans les maisons pendant ce temps là. Ils auront tout intérêt à rester à travailler aux champs le plus tard possible. Chacun à sa place, chacun à son affaire!
L’avant-veille, Philippe avait fixé la grande corde à lessive dans le verger et installé le teniou ** sous la remise. Il fait au moins deux mètres de diamètre et plus d’un demi de hauteur. Julie l’avait ensuite abondamment mouillé matins et soirs pour que les douves, gonflées par l’eau, deviennent bien étanches. En dessous elle avait installé le cornu *** pour y recueillir la cendrée.
Aujourd’hui on coule et on ayssague**** et à partir de demain on aygabouillera ***** au lavoir de la commune.
Alphonsine se met au trempa du linge en commençant par les pièces les plus sales dont les tâches s’éparpillent dans l’eau en petits filets grisâtres.
Pour Séraphine pas question de traînasser et de rester les bras ballants. Faut aider la mère!
Toutes les trois parlent peu, ce n’est pas un jour à bavarder. A faire ce labeur elles ont bien froid aux mains et bien chaud au corps!
Alphonsine se met au trempa du linge en commençant par les pièces les plus sales dont les tâches s’éparpillent dans l’eau en petits filets grisâtres.
Pour Séraphine pas question de traînasser et de rester les bras ballants. Faut aider la mère!
Toutes les trois parlent peu, ce n’est pas un jour à bavarder. A faire ce labeur elles ont bien froid aux mains et bien chaud au corps!
*laver son linge
** cuvier
*** baquet
****mettre à tremper
***** frotter
Extrait de « le destin brisé d’un village français » paru en 2014 chez TDO et réédité par Pocket
Et oui, au 19ème siècle, la machine à laver n’existait pas !
extrait qui attise ma curiosité.
Note perso : attention au titre qui risque de choquer les descendants des habitants de Chaudun, ils semblent assez susceptibles sur ce sujet.
Lors de Retrouvance en juin 2012 j'ai eu l'occasion de me faire "chauffer" les oreilles à ce sujet.
jluc
j'ai lu quelque part ( Michel Tournier je crois ?) qu'un bon roman se lisait sur trois plans 1)le cheminement personnel du héros auquel le lecteur va s'identifier 2) le contexte historique/social 3) la lecture symbolique/philosophique.
Cet extrait donne une bonne idée du plan 2 de ton livre … bravo !
petite remarque de style sur le 2ème § ; les "et" de coordination ne sont pas sur le même niveau ; je remplacerais le "et " entre "beaux jours" et "la seconde" par un point ou un point-virgule.
Bonne continuation
Jean-Luc aussi
J'ai choisi le ";"! Et oui 100 fois sur le métier avec pour question: quand décider de remettre sa copie?