Extrait (en l’état provisoire) d’un chapitre de « Chroniques de la mort d’un village », roman lui-même en construction. Avec le schéma on peut tout suivre, je crois!
Après la lessive, voici le pain qu’on cuisait une fois par an dans le four communal.
(Marin est le maire-adjoint de la commune de Chaudun)
Et donc ce matin c’est l’évènement : les Marin mettent en route le moulin. Les premiers villageois à apporter leurs sacs de blé sont déjà devant la porte et applaudissent gentiment leur arrivée.
Alphonse verse un premier sac de tuzelle dans la trémie. On va moudre par catégorie en finissant par le seigle car il faut modifier les réglages à chaque fois. Jacques fait une première trempure* et commence à ouvrir la guillotine en la soulevant par pressions successives de l’orgueil**. Cette mise au point du débit d’eau est la condition première pour avoir de la bonne farine.
Voilà, c’est parti ! L’eau s’engage dans le coursier et quand elle arrive sur le rouet tout le monde entend les premiers « trica- traca, trica-traca » du frayon contre le sabot. Les grains roulent sur l’auget, pénètrent dans l’œillard et s’infiltrent entre les meules dont sort une mouture, bien broyée et rapidement expulsée vers la huche. Jacques en prend une poignée qu’il examine attentivement et affine encore un peu le réglage de la pression des meules en tournant le volant pour modifier l’appui de la crapaudine.
A partir de maintenant Père et fils vont l’un et l’autre surveiller que le grain descende bien régulièrement dans l’auget, s’assurer que la trémie soit toujours pleine de grains (le frottement de la pierre pourrait rapidement provoquer un incendie), prendre la mouture dans la huche pour la tamiser dans le blutoir ( A chaque tour de manivelle le clac-clac des marteaux contre le cylindre vient en écho au babillard.) et enfin remplir les sacs, d’abord avec la fleur de farine qui servira à faire des gâteaux, puis avec la farine proprement dit et enfin avec le son.
Les bruits et la trépidation sont si assourdissants que père et fils se parlent par signe et qu’ils ont envahi tout le vallon… mais chacun de les apprécier pour ce qu’ils signifient : l’assurance d’avoir à manger cet hiver. Quand ils auront fini, que toute la récolte du village sera devenue farine, jacques fermera la vanne, le silence revenant, nettoiera consciencieusement la trémie, la huche et toutes les pièces du moulin. Son dernier soin sera de rhabiller ses meules pour les protéger du gel et quand il fermera la porte tout Chaudun saura que ce sera pour une année.
*trempure : réglage de l’écartement des meules
**orgueil : levier
tu sais faire monter la pression, ce roman est attendu avec impatience !
amicalement
jluc
Plus j'avance et plus la pression est plutôt sur moi.
Je vais début février à Gap visiter quelques lieux et retourner aux archives. J'ai notamment une piste pour trouver l'intégralité de la pétition, jusqu'ici jamais publiée.
(Tu noteras par ailleurs que je modifie le titre de mon roman…une xième fois!)