Selon Einstein et Bergson, le temps psychologique ne serait pas celui des physiciens. Ce dernier serait continu, régulier et infini, concept contesté et contestable. Pour les hindous, tout au contraire, il tournerait en rond. (Qui n’a jamais ressenti cette impression ?)
Pour d’autres il ne serait qu’une pure invention humaine pour nous faire croire supérieurs aux autres espèces animales.
Je retiens, quant à moi, de Bergson que le temps ne serait qu’affaire de conscience. Le mien, tel que je le reconnais dans ma chair et mon cerveau (oui, tout homme en a un !), est clairement fini – je le sens un peu plus chaque matin – et se dessine non pas en une ligne droite, mais tout au contraire en une sinusoïde. Courbe de secousses telluriques répétées, ayant plus ou moins d’amplitude et plus ou moins agréables à vivre ou désagréables à supporter. Certes, entre chaque secousse, existent bien de petits intervalles, des temps morts, des temps perdus, ceux de l’ennui que certains appellent encore le repos.
Les deux confinements successifs ont-ils simplement arrêté le temps entre les quatre murs de mon logements ? Une faille temporelle dans ma vie ? Une faille géologique est une fracture accompagnée d’un glissement. Glissement qui m’a fait dévaler un escalier que je souhaitais ne descendre que marche par marche. Bon, je me suis arrêté à un palier d’étage, juste un peu endolori et ankylosé, avec la ferme intention de me relever.
Au bilan, si mes amis me disaient – si souvent à finir par les croire – que je ne faisais pas mon âge, il en restera comme séquelles de cette période qui n’en finit plus, que j’ai rattrapé celui-ci d’un coup et peut-être même, dans ma chute, l’avoir dépassé. Prendre de l’âge est une normalité à laquelle chacun se résout quand c’est dans un mouvement imperceptible, un coup de vieux est plus difficile à supporter par sa visibilité. « Je suis le temps et je suis dans le temps » affirmait Kant; je ne suis pas certain d’avoir tout bien compris, mais ce dont je suis convaincu c’est que la Covid m’a volé un temps que je ne récupérerai jamais. S’il est subjectif, l’âge, quant à lui, est tout ce qu’il y a de réel et le supposé supplément d’âme de la vieillesse n’est que le cache-misère du supplément d’emme…de la vieillerie. J’en conclus que le temps, qu’il soit philosophique ou scientifique, n’est qu’une belle arnaque !