L’un dira de lui « Il a été… » et un autre dira encore, avec d’autres mots mais pareillement, « Il a été… ». Les mots sont des à peu près qui assemblés font une phrase-illusion, tentant de donner un sens à une vie passée.
Il a été et il n’est plus. Seule la combinaison de ces deux temps dit tout de lui.
Si la feuille qui tombe à l’automne nourrit la nouvelle pousse de l’arbre qui la remplacera au printemps, à quoi sert la mort de l’éphémère ? Il a été, tout est dit. Il a été l’éphémère volant dans tous les sens une journée ou deux, se hâtant de se reproduire, et mourant le soir. Avait-il eu une perception du temps et de l’éternité ?
Les cendres d’un défunt dans sa petite urne ne sont que le souvenir qu’il a été et qu’il n’est plus. Souvenir tour de magie pour permettre à ceux qui sont encore de se persuader qu’ils ne sont pas libellules. Mais non, abracadabra, il ne réapparaitra pas. Il a été, il n’est plus, la vérité est dans cette simplicité qu’il suffit d’accepter.
Il n’y a pas d’éternité, il n’y a pas de sens, il n’y a pas d’autre temps que le présent de l’indicatif. Il paraît que nous voyons notre vie défiler dans la seconde qui précède la mort, ce qui prouverait qu’elle n’est pas grand-chose pour se résumer en si peu de temps, même en accéléré ! Qu’y aurait-il dans cette diffusion en différé ? Les joies à la manière Netflix ou les drames à celle d’Arte ? C’est peut-être la même chose, nos critères étant aussi subjectifs que notre perception des couleurs.
Ne faut-il pas donc pas se contenter en se levant le matin de cette seule question : Suis-je content de vivre ? Si oui, il faut se hâter de profiter de sa journée. Si la réponse est non, je ne sais que proposer de rester couché et j’en suis bien embarrassé.
Pour me faire pardonner cette réflexion personnelle un peu noire et maladroite, je vous propose d’écouter ce poème de Louis Aragon. » Que la vie en vaut la peine » extrait de « Les yeux et la mémoire », paru en 1954 et beau à ne plus oser publier ce que vous venez de lire.