Au voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis consterné ; Castex m’a volé mon réveillon : il m’a dérobé ma ripaille. Comment se permet-il ?
Qu’est-il devenu avec son virus? Où se cache-t-il dans Matignon ? Qui est-ce ? Arrête. (À moi-même, me prenant par le bras.) Rends-moi ma Saint- Sylvestre, coquin… Ah ! c’est moi ! Mon esprit est troublé, et, depuis que je suis confiné, j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas ! mon pauvre réveillon ! mon pauvre réveillon ! Mes chers amis ! on me prive de vous ; et puisque vous m’êtes enlevés, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie : tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde. Sans mes amis, il m’est impossible de vivre. C’en est fait ; je n’en puis plus ; je me meurs ; je suis mort ; je suis enterré. N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant ma folle nuit, avec son champagne, ses cotillons, sa musique, son serpentin autour de la table et son feu d’artifice en hurlant « Bonne année » ou en m’apprenant de quelle autorité on me l’a prise. Sortons. Je veux aller quérir la justice, et faire donner la question à tout le gouvernement ; au premier ministre, au ministre de l’intérieur, au ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur chargé de la citoyenneté, au ministre de la solidarité et de la santé, au ministre délégué auprès du ministre de la solidarité et de la santé chargée de la solidarité, au ministre de la culture qui n’a pas de ministre délégué, à leurs conseillers, aux experts médicaux, aux députés, et à moi aussi.
Que de gens assemblés à la télévision et à la radio ! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Hé ! de quoi est-ce qu’on parle là ? De celui qui m’a dérobé ? Quel bruit fait-on sur tous les réseaux sociaux ? Est-ce mon voleur qui y parle ? De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. Allons, vite, le conseil constitutionnel, la cour des droits de l’homme, les insoumis, les Républicains, la lutte ouvrière, les anarchistes, les grévistes, les anti-grévistes, et même s’il le faut, le rassemblement national, les identitaires et les animalistes, les blacks blocs, non pas les blacks blocs, la censure ! Je veux faire censurer tout le monde ; et si je ne retrouve mon réveillon, je réveillonnerai tout seul après, avec mes huîtres et ma bouteille de Moët et Chandon.