Si la rareté fait la valeur de certains objets, celle du temps – je parle de celui des années qui passent – en procure une autre. Profiter de l’été pour nager, faire du vélo, se promener, rien qui ne soit pas là très banal. Pourtant, arrivé à un certain âge, la conscience de la finitude donne à ces plaisirs un surplus d’intensité qui dépasse l’ordinaire. L’arthrose, l’essoufflement et tous ces maux de l’usure physique, dont je vous fais grâce du trop long recensement, m’ont contraint à anticiper qu’il se pourrait que, la saison prochaine, je ne puisse plus m’offrir ces mêmes petits plaisirs, ces renoncements venant après d’autres passés, parfois plus cruels et que j’ai bien dû accepter. Alors, j’ai dégusté chaque sortie, et particulièrement la dernière de ces vacances-ci, comme on garde en bouche l’ultime gorgée d’un très bon vin.
Oui, je rentre avec une notion accrue de mon altérabilité. Devient-on philosophe avec la vieillerie ? Sans doute, encore que je prétende l’avoir toujours été un peu. Si ce n’est tout de même un brin de nostalgie (il ne peut en être autrement), cependant rien de triste dans ce ressenti ; sinon il ne faudrait plus manger de gâteaux de peur de regretter de les finir. D’ailleurs, chacun le sait, les petits sont comme les plaisirs, bien meilleurs que les gros.
Et puis, l’inéluctable n’étant pas totalement balisé dans le temps, celui-ci m’accordera peut-être encore l’été prochain sa clémence, mes baignades, mes ballades, ma liberté d’éphémère papillon.