J’aurais pu m’arrêter ! Il ne s’agissait, après tout, à l’adolescence que d’une consommation occasionnelle pour m’aider à traverser des périodes psychologiquement difficiles et son effet analgésique et antidépresseur, bien que temporaire, me semblait bénéfique. Oui, j’aurais pu m’arrêter…si quelques pourvoyeurs, soi-disant bien intentionnés, n’avaient eu vite fait de m’encourager à persévérer et m’apprenaient peu à peu à bien laisser macérer ma douce drogue dont je sentais qu’elle me désinhibait progressivement.
Je reconnais aujourd’hui que la blanche, achetée au coin de la rue et que je m’empressais de noircir, ne donnait pas un résultat de très bonne qualité et que j’aurais mieux fait de réfléchir à sa dangerosité et à son effet addictogène. Maintenant c’est trop tard pour moi ! Je ne peux plus décrocher et le besoin est devenu si convulsif que j’ai même dû augmenter la fréquence et la quantité des prises. C’est comme ça et -après tout- non seulement je ne gêne personne, mais j’en connais une qui, vivant avec moi, y trouve son confort ! Il m’arrive bien -de temps en temps- de m’arrêter…jusqu’à ce que le manque devienne trop fort et qu’un matin, aux alentours des quatre heures, j’entame une nouvelle défonce avec une barrette à ma portée.
Enfin, je veux dire une ‘ramette’. Une ramette blanche dont je noircis à toute allure quelques pages d’une écriture serrée à ne pas parvenir moi-même à la relire. C’est mon flip, orgasmique et euphorisant, et qui va se prolonger par une insomnie persistante jusqu’à la prise de somnifères. Après tout, mieux vaut fréquenter un pharmacien qu’un dealer ! L’obsession basique satisfaite, vient le temps, dans un apaisement très relatif, de me déchiffrer, de délocaliser de la feuille de papier à l’écran, de passer du fantasme nocturne au désenchantement matinal et de décider de polir les mots ou, le plus souvent, de les jeter.
De l’écriture d’une nouvelle de quatre petites pages, je suis passé à un épais roman de trois-cents pages et de quelques heures clairsemées à un travail quasi journalier. Oui, cet opiacé puissant a modifié ma vie quotidienne et je suis devenu un si authentique accro que je n’ai pas fini d’écrire une histoire que mon cerveau commence à flasher sur une autre.
Puisqu’une surdose peut entraîner la mort, et sans la moindre prétention de me comparer à Molière expirant sur ses tréteaux, je me vois -dans mon délire- émettre mon dernier soupir en posant un point final à mon épitaphe. Ah! Gros plan !
Parfois je me dis que je pourrais me désintoxiquer progressivement en revenant à la forme des nouvelles… oui,bon. Enfin, pour l’instant, j’ai un roman à finir, moi !
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