Face au ciel, les pensées vagabondent, bien plus librement que les nuages, car eux dépendent du refroidissement de l’air, des gouttes d’eau…
D’abord, il ne se passe rien : les yeux se contentent de regarder, une tranquillité s’installe. Puis peu à peu des idées surgissent dans le désordre.
Pourquoi ne pas les accueillir !
Depuis l’Antiquité, le ciel abrite des divinités. Les âmes s’y reposent, les dieux y expriment leur colère, les humains cherchent à atteindre son septième palier, là où réside le plaisir et les enfants rêvent à la lune, au Petit Prince…
De jour, il est impossible de repérer les satellites et les objets divers qui tournent au-dessus de nos têtes. Et Jules Verne, Tintin, tous les films de science fiction se bousculent.
Puis le paysage capte de nouveau l’attention. La lumière a déjà changé. Un nuage s’est étalé, bientôt les couleurs vont disparaître et la grisaille du soir s’installera avant de laisser place à la nuit.
Il est urgent d’immortaliser l’instant. La photo le permet. Plus tard un artiste pourra reproduire ce ciel unique.
Reviennent alors en mémoire quelques ciels de peintres : les études de Delacroix, les marines de Jongkind, la flamboyance de Turner.
Aucune toile ne correspond à ce ciel du vendredi 18 février 2022 à 18h 06.
Les images des poètes s’en éloignent encore davantage.
Jacques Brel, par exemple, a personnifié un ciel plombé qui pousse à la mélancolie :
Un ciel si bas qu’un canal s’est pendu…
Un ciel si gris qu’il faut lui pardonner.
Chez Baudelaire, la vision est tout aussi déprimante :
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle.
Heureusement le ciel de Verlaine est lumineux :
Le ciel si bleu, si calme…
mais il est monochrome.
Pour un poète, le ciel reflète donc un état intérieur passager. Tel le nuage qui peut s’installer, s’effilocher, s’iriser, courir à toute vitesse puis disparaître, une émotion agréable ou désagréable passe.
La rêverie se poursuit :
D’où viennent toutes ces couleurs, toutes ces formes ?
Les physiciens nous expliquent l’organisation des ondes, leur réflexion, diffraction, propagation, l’importance des particules d’eau et notre perception grâce aux bâtonnets et aux cônes que possède notre œil.
Cette complexité fascinante entraîne de nouveau le vagabondage au-delà du visible : ce grand point d’interrogation que cherchent à résoudre astrologues et astronomes. Les uns et les autres s’appuient sur des calculs très compliqués : distances, formes des planètes, conjonctions…
L’astrologie laisse entrevoir notre déterminisme et notre chemin de vie.
L’astronomie tente à percer le mystère de l’infiniment grand.
Regarder le ciel dans le télescope, c’est une indiscrétion, écrivait Victor Hugo.
137 ans après sa disparition, il ne s’agit plus d’indiscrétion mais de domination, de violation.
Les politiques, les militaires, les milliardaires à qui la terre ne suffit pas, ont des ambitions interstellaires !
La boîte de Pandore, une fois ouverte, ne peut plus se refermer
et la nuit est tombée sur le pont Bonaparte…
France Lestelle
ps : La photo d’illustration est de l’auteur.
Son blog pour d’autres jolis textes et photos : Plume et clavier
Son dernier roman :