Un point à l’endroit
un point à l’envers
c’est l’été chez grand-mère
un rang à l’endroit
un rang à l’envers
faut lui tricoter des genouillères
en coton pour l’hiver
et puis des gants de toilette
« des mains » comme elle dit
assise aux pieds de grand-mère
sur un petit banc
j’ai huit ou neuf ans
je rouspète
dans ma tête
tandis que mes frères
jouent à Duguesclin
dans le pré du voisin
près de la ligne de chemin de fer
le coton s’entortille
autour des aiguilles
les mailles se débinent
ça fait des trous
tu défais et tu refais tout
je je je déteste grand-mère
entre deux rangs
on ne pousse pas la chansonnette
c’est un cantique ou une prière
à connaître
sur le bout des doigts
saintemariemèrededieu
délivrez-moi de grand-mère
de ses genouillères
et de ses gants de toilette
jésusmariejoseph
au diable tout ça
je veux des tricots
rigolos
mère couturière
tricoteuse grand-mère
je ne serai jamais
une parfaite ménagère
mais
comme je ne peux ni jouer
avec mes frères
ni lire sous les pommiers
je sais ce que je vais faire
je vais écrire dans ma tête
les yeux baissés sur le tricot méprisé
un mot à l’endroit
un mot à l’envers
je suis là
où jamais tu ne viendras
grand-mère
tralali lalère
Thérèse André- Abdelazie
à relire de l’auteure : l’exilé