Je continue à vous proposer des extraits d’un roman non édité appelé provisoirement « L’erreur ». Extraits dans le désordre, puisque je vos ai donné à lire le mariage de Charlotte et Lucien à l’occasion de la saint Valentin. 😀 !
Avant de devenir mari et femme, Lucien Dugranpois et Charlotte Margelin furent amis d’enfance.
Le père Jules Dugranpois, autrefois gérant d’une droguerie de quartier, s’était empressé d’épouser la caissière du magasin et les Margelin enseignaient dans le même établissement. Aucun des deux pères n’était donc allé chercher bien loin sa chacune et les deux enfants ne firent donc par la suite que reproduire l’exemple parental !
Il se trouva que les Margelin emménagèrent un jour non seulement dans l’immeuble des Dugranpois mais, qui plus est, sur le même palier. Leur fille, Charlotte, venait d’avoir huit ans et entrait en Cours élémentaire première année et Lucien, tout juste trois ans, s’apprêtait à entrer en maternelle.
Les deux couples avaient tout naturellement sympathisé. Les enfants fréquentant la même école, trajets et gardes à tour de rôle facilitèrent grandement la vie des deux familles et ces deux mignons angelots devinrent les meilleurs amis du monde malgré la différence d’âge. Dans la rue, les passants les prenaient même pour frère et sœur en les voyant se donner si sagement la main pour traverser la rue et rentrer chez eux. Lucien fut un petit garçon costaud, chahuteur et casse-cou, tout à l’opposé de Charlotte, petite, fluette et réservée. Par son côté raisonnable, elle lui évita bien des bêtises et des punitions. Si, l’adolescence venue, il se plut à jouer au garde du corps de son “Amie‘” (il tenait au A majuscule), c’est elle qui, de fait et l’air de rien (déjà !), le protégeait. Tenant à être son Amie et non pas sa grande sœur, elle se gardait de lui faire sentir la différence d’âge. Elle ne le grondait jamais et jouait plutôt sur ses sentiments pour obtenir ce qu’elle voulait de lui. Une manipulation affectueuse et quasi maternelle.
Enfants, Charlotte et Lucien, vivant sur le même palier et “Amis”, jouèrent-ils ensemble à la gendarmette et au voleur, au cow-boy et à l’indienne, au docteur et son malade ou encore au papa et à la maman ? Toujours est-il qu’à seize ans, lui n’en ayant alors que douze, c’est elle qui provoqua le premier et timide bisou qui ne soit pas sur les joues.
Il est vrai qu’aujourd’hui, à cet âge, les filles sont plus délurées mais, en 1958, la libération sexuelle n’était pas encore en marche et, neuf ans plus tard, De Gaulle déclarait encore à propos de la pilule que la France ne serait pas sacrifiée sur l’autel de la bagatelle ! ( …avant d’accepter, un peu plus tard et du bout des lèvres, de la faire voter)
Donc, poussée par la force d’une curiosité toute naturelle et malgré une timidité renforcée par le sentiment qu’avec un garçon les conséquences d’un patin pouvaient être différentes de celui échangé avec une copine – sans compter le risque que Lucien, encore un gamin, n’aille par malheur cafter auprès de ses parents – elle s’aventura, le rouge aux joues, dans ce baiser si furtif que les lèvres ne s’effleurèrent qu’à peine.
Un effleurement certes, un frôlement d’aile, mais tout de même sur la bouche ! Plus qu’un simple dérapage, la grande audace de sa vie ! Un souvenir dont ils s’amuseront longtemps par la suite : un premier baiser ne s’oublie jamais.
Deux jours plus tard, trouvant certainement la première expérience à son goût mais insuffisante pour se faire une opinion définitive, Lucien s’enhardit bravement à son tour, comme un homme, pensa-t-il. Cette fois, si l’approche s’opéra encore délicatement, la rencontre, bien que brève, fut déjà nettement plus appuyée, peut-on toujours dire chaste ? Il leur fallut ensuite une petite semaine pour se remettre de leurs émotions avant un troisième essai, les langues se mêlant cette fois avec gourmandise. Ils se disputeront plus tard en riant avoir eu l’initiative de ce french kiss, certes un peu maladroit, mais cette fois clairement sensuel et, par un désir commun, prolongé un temps infini. Emballement du moment ? Respiration reprise, c’est là qu’ils se promirent pour plus tard l’un à l’autre. Un serment d’amour d’adolescent qui aurait pu être sans importance et sans suite. Pas dans leur cas, pas pour eux. Malgré les tentatives de Lucien, Charlotte parvint à freiner l’ardeur de son chevalier, devenu très servant, si bien qu’ils ne dépassèrent jamais le stade du flirt jusqu’au mariage, c’est-à-dire une éternité. Ils auront ensuite des enfants, vivront heureux et toujours aimants…un conte de fées… sauf que la vie n’en n’est pas un.