Je souhaite que ma femme soit comme elle 

Jeune, j’ai vécu 2 ans à Madagascar. Un pays magnifique et des habitants d’une grande gentillesse. C’est une tristesse de le savoir aujourd’hui dans l’état que l’on sait. Ces contes malgaches trouvent en moi un écho particulier, sans doute par visualisation du décor dans lequel ils se déroulent mais encore par la philosophie dont ils témoignent. Pierre Bussière

Elle boude peu, madame Lehinjoky. Elle boude peu et travaille beaucoup. Lehinjoky en est heureux bien que le ménage soit modeste. En effet, après trente années d’union, Lehinjoky et sa femme n’ont comme fortune qu’un coq, un taureau et un bélier.

Il fallait, pour que la richesse augmentât, vendre ces animaux et en acheter d’autres qui seraient composés de mâles et de femelles.

            L’époux partit donc, mais il se trouva bientôt devant une rivière dont la traversée était interdite aux moutons. Lehinjoky  fut obligé d’échanger son bélier contre du riz. Il mangea son riz. Plus loin, un grand marais barra le chemin, lequel n’admettait pas que les passants portassent des poules. Le coq fut donc échangé contre du maïs, et Lehinjoky mangea son maïs. Il continua son chemin. Il se trouva devant une forêt où il était interdit de faire passer des bœufs. Le taureau fut échangé contre du manioc sec, et Lehinjoky mangea son manioc.

N’ayant donc plus rien : ni coq, ni bélier, ni taureau ; ayant mangé et son riz, et son maïs et son manioc sec, Lehinjoky pensa qu’il fallait rentrer. Quelques temps avant qu’il prît le chemin du retour, le roi passa et apprit la nouvelle que la rumeur propagea. Il fit mander Lehinjoky et lui déclara qu’il serait certainement grondé par sa femme. – Mon épouse boude peu, répondit notre bonhomme ; je ne serai pas grondé. – Si, insista le roi, après ces malheureux trocs, ta femme reste encore sous ton toit sans rechigner aucunement, je te donnerai cent bœufs. Lehinjoky gagea que rien ne serait changé au comportement de sa femme.

Le roi et Lehinjoky ont fait ensemble le chemin du retour. Le roi s’était déguisé en simple paysan, et arrivé au village, il écouta caché dehors, pendant que Lehinjoky entrait dans la maison. Madame Lehinjoky s’enquit immédiatement du montant des ventes. – J’ai tout échangé, contre du riz, du maïs et du manioc sec, répondit l’époux ; et j’ai mangé, et le riz, et le maïs et le manioc, ajouta-t-il. – Dieu l’a voulu ainsi, déclara la bonne dame, sans manifester la moindre gêne, en riant un peu. Nous travaillerons encore ensemble, et si Dieu le veut, nous aurons davantage. – Oui, dit l’époux.

A ce moment le roi se présenta, ayant tout entendu. Je vous donnerai cent bœufs, déclara-t-il à la bonne dame.

Qui fut le plus heureux : Madame Lehinjoky qui eut cent bœufs, ou son époux ; ou le roi qui pouvait compter parmi ses sujets une femme malheureusement une seule (1)  – qui ne boudait jamais.

Ce doit être le roi ?

 (1)   Malheureusement une seule : Beaucoup de contes malgaches tendent à dénigrer les femmes ce qui suppose que ce sont les hommes qui les ont inventés ; ce qui suppose aussi que les hommes sont méchants.

agir avec Madagascar

 

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