L’erreur.

Ce texte est le début d’un roman dont le manuscrit dormait dans un tiroir depuis deux ans. Je vais essayer de le reprendre ici en tenant compte  au fur et à mesure de vos avis qu’ils soient de détail ou d’ensemble, de forme ou de fond. Mais attention, cette expérience collective sera pour les scènes suivantes réservée exclusivement aux fidèles abonnés. Alors si le cœur vous en dit d’en être, abonnez-vous vite! C’est gratuit et d’une grande simplicité.  « L’erreur » est le titre provisoire de cette histoire.

Scène 1

Fin d’un après-midi de novembre. La pluie s’est arrêtée et un pâle soleil blanchâtre tente de s’immiscer entre deux gros nuages noirs et menaçants. Lucien Dugranpois sort de l’immeuble au 12 rue Jean Jaurès à Nantes. Il met son chapeau style Indiana Jones, par réflexe en recourbe légèrement le bord avant vers le bas, remonte le col de son blouson et – en citoyen discipliné -se fixe sur les oreilles et le nez le masque chirurgical type II. Ainsi paré, il est méconnaissable, ce qui d’ailleurs, en la circonstance, pourrait lui éviter des rencontres à ce moment-là inopportunes. Il entrerait dans une banque pour la braquer que personne ne pourrait l’identifier, même pas les caméras ! La station de bus est à quelques mètres et une fois sur place il s’installe patiemment dans la file d’attente. Quelques minutes plus tard, le C12 qui le reconduira à son domicile arrive, les double-portes glissent, quelques voyageurs en descendent. Alors que c’est à son tour de monter, il s’écarte et laisse passer une dame encombrée de sacs de courses, hésite, recule et finit par sortir complètement du groupe, décidant de rentrer à pied. Après tout, pense-t-il, il a tout son temps et une marche d’une grosse demi-heure lui fera le plus grand bien. Il ressent le besoin de s’aérer et de reprendre ses esprits quelque peu perturbés par ce qui vient de lui arriver. De toute façon, le lundi son épouse, Charlotte est à son club de bridge et n’en revient pas avant 19 heures. Le tournoi terminé, elle papote avec ses amis des bons et mauvais coups ; lesquels lui seront d’ailleurs aussi racontés au diner bien qu’il n’y comprenne toujours rien. Il arrivera donc à leur appartement bien avant elle.

Traversant la place Viarmes il passe devant un violoneux ambulant connu de tous les Nantais. Avec sa redingote noire et son chapeau haute-forme, ce dernier fait aujourd’hui partie du paysage local. Pourquoi Lucien s’arrête-t-il ? Certainement pas pour la qualité musicale de ce crincrin sempiternellement le même d’un arrangement très arrangé d’un concerto de Tchaïkovski. Alors pourquoi ? En pensant à toute autre chose. Sa tête ailleurs ne commandait sans doute plus ses pieds. Il ne peut pas repartir sans mettre une contribution dans l’étui du violon ouvert ostensiblement sur le trottoir et dans lequel errent quelques pourboires en grande solitude. Il fouille ses poches, mais n’y trouve que deux pièces de dix centimes. Indécent. Ce serait se moquer et vaudrait encore mieux s’en aller sans rien déposer. Lui dire un simple mot gentil d’encouragement ? Maintenant qu’il a suscité un espoir et déjà récolté un sourire ? Ce serait trop peu, impossible et pas son genre. Dans son portefeuille rien de moins qu’un billet de vingt euros. Eh bien, va pour vingt euros. Pour cet émigré dont l’histoire fut un jour racontée dans Ouest-France, ce sera jour de chance comme les deux heures passées le furent incroyablement pour Lucien. Lucien à l’instant le bienheureux. Lucien dont la journée ne s’est pas déroulée du tout comme prévu et programmé. Mais alors pas du tout ! Il se rendait à un cours sur « le paradoxe du temps » dans le cadre d’un cycle auquel il s’était inscrit à la rentrée universitaire de septembre quand il apprit, seulement une fois sur place, qu’elle était annulée suite à un accident de la route du conférencier.

C’est alors que Thérèse Moudard dont il avait fait connaissance lors des séances précédentes et avec qui il avait sympathisé lui proposa de venir chez elle voir cette curiosité d’une très ancienne horloge à huile dont elle lui avait déjà parlé et dont elle paraissait très fière. Pourquoi pas ? L’après-midi ne serait ainsi pas complètement perdu. Elle voulait également en profiter pour lui faire son horoscope. Une lubie à laquelle elle semblait tenir, là encore pourquoi pas ? Il était d’un esprit bien trop cartésien pour croire à ces tirages de cartes, mais il lui ferait plaisir à bon compte et, après tout, il ne s’agissait que d’un original divertissement.

Ce qui n’était pas annoncé c’est l’intention de cette femme de lui révéler les bienfaits du Tantrisme en tant que méthode de relaxation. Bienfaits effectivement si évidents qu’ils  recommencèrent deux fois la séquence à peu d’intervalles et qu’il ne pouvait que regretter de ne pas avoir connu plus tôt cette philosophie pour en profiter avec Charlotte. Enfin, cela est un autre sujet et précisons encore que si Lucien en sortit dans cet état de béatitude et de fatigue c’est que le Tantrisme façon Thérèse était de toute évidence une application dérivée très personnelle.

Un après-midi parenthèse, demain un simple mais bon souvenir. Lucien était à cette heure épuisé, mais se sentait en même temps rajeuni d’au moins quarante ans ! Le corps un peu moins, l’esprit complètement. Il y a des fatigues inutiles, des regrettées voire douloureuses, mais aussi des fatigues positives, heureuses, qui ne demandent qu’à revenir, à condition tout de même de ne pas surestimer ses forces. Il n’était justement plus – et de loin – de première jeunesse et un accident cardiaque n’était pas impossible malgré sa bonne forme physique dont il prenait grand soin avec constance.

Le cœur en mode boom-boom et le sexe agréablement et douillettement ramolli, ses sens restaient encore enflammés. Ses mains gardaient la mémoire des seins fermes et pleins de cette Thérèse, son nez du parfum floral et sucré qui l’avait enveloppé, l’ouïe de sa voix câline et charmeuse, la bouche de ses lèvres offertes et gourmandes et ses yeux de tout ce qu’il ne voyait plus depuis trop longtemps.

Comment, dans ces conditions, aurait-il pu honnêtement témoigner à ce moment précis d’un quelconque remords. Plus tard ? Peut-être. Le cycle de cours traitait du paradoxe du temps ; eh bien, ils n’avaient tous les deux, en étudiants zélés, fait que remplacer la théorie par la pratique.

Piégé, il l’avait été, c’est certain. Piégé mais consentant, coupable mais avec mille justifications de ne pas le ressentir. Piégé pour la première fois de sa vie conjugale, circonstance atténuante. Piégé, qui plus est, totalement accidentellement car il est évident que si le conférencier n’avait pas été absent, Lucien Dugranpois ne se serait jamais rendu chez cette Thérèse. Certes cette découverte du Tantrisme façon Thérèse, il aurait pu objectivement la refuser. Difficilement tout de même et au fond un peu goujatement.

Lucien Dugranpois adore sa femme et n’a jamais aucun mystère pour elle, ce qui n’est pas tout à fait réciproque. Il est septuagénaire et plus jeune de sept ans que sa Charlotte. Ils sont mariés depuis quarante-neuf ans et s’apprêtent à fêter en grande pompe leurs noces d’or au printemps prochain. Pour tous leurs amis, ils forment un couple modèle. Lulu et Chacha.

Ce soir au diner quand viendra son tour de raconter sa journée, lui décrira-t-il son expérience quasi mystique ? La marche a été profitable et arrivé devant la porte de son immeuble, il s’est donné une réponse.

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4 réflexions sur “L’erreur.”

  1. Je m’inscris.
    Au travail ….
    As tu fait un plan ou un synopsis de « L’erreur » ?
    Quelles règles du jeu pour ceux qui veulent participer ? Domaine d’intervention ? mode d’intervention ?

    1. Merci de ces questions qui me permettent de préciser le fonctionnement pour tous mes futurs « conseillers littéraires »

      « L’erreur » est un roman dont j’ai déjà écrit un manuscrit complet. 3 parties, une progression et une chute. Si je ne l’ai pas soumis à un éditeur, c’est que je n’en suis pas satisfait. Je ne dirai pas ici pourquoi pour ne pas influencer le regard de mes coachs. Je souhaite qu’ils découvrent comme des lecteurs standards et réagissent comme tel. Par contre j’ai changé l’ordre des parties, le temps du récit et même son époque puisque Lucien porte le masque anti covid.
      Je laisserai encore le 2ème chapitre en accès public mais la suite sera réservée aux abonnés.(donc il faudra poursuivre avec ton nom 🙂 )
      Règles du jeu dans le désordre:
      On peut intervenir sur un mot, sur une phrase, sur le style global, sur le fond, la vraisemblance du personnage, l’intérêt de l’histoire, un détail de description….. absolument sur tout.(voire peut-être jusqu’à modifier le cours de l’histoire si vous n’étiez pas d’accord avec celle déjà écrite!) Je ne veux rien nous interdire pour commencer.
      Tout se fait par la rubrique des commentaires et chacun peut réagir aux commentaires des autres (pour abonder ou au contraire moduler… )
      Dans l’époque actuelle, sachons ici être dans la nuance et l’attention de l’opinion de l’autre. C’est cette comparaison des points de vue qui peut être enrichissante.

      Je compte faire les modifications au fur et à mesure de telle façon que vous puissiez voir l’effet de vos remarques avant de lire la suite et donner ainsi une cohésion à notre travail collectif.

      Les 2 seules règles strictes sont:
      1- dans la forme du commentaire: toujours nuancé et toujours dans un esprit positif.
      2- Je reste l’arbitre de la décision finale et personne ne doit s’en vexer: c’est La liberté de l’auteur. Je reste maître et propriétaire de l’œuvre finale.

      ps: C’est un essai que nous ne poursuivrons que si j’ai assez de réponses positives à ma proposition et je me réserve de l’interrompre si des difficultés imprévues apparaissent. C’est un amusant saut dans l’inconnu !

  2. Je dois compléter ma réponse en donnant le genre et le pitch de ‘histoire pour donner envie ou pas de participer:
    Genre: comédie (grinçante )
    pitch : Un septuagénaire toujours amoureux de sa femme, plus âgée que lui, et qui lui a toujours été fidèle, se laisse embarquer, à quelques mois des noces d’or , dans une aventure sexuelle alors que, justement, son épouse ne veut plus faire l’amour. Le couple va -t-il résister à la tempête ? Famille et amis s’en mêlent et se révèlent. Quelle est la vraie blessure ? La tromperie physique ou le mensonge ? Dans un couple pour être heureux doit -on et peut-on tout se dire ? Divorce ou réconciliation ?

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