Le cap des tempêtes (suite1)

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13 février. Position : 45° 38’ S – 133° 07’ E au large de l’Australie, direction plein Est.

J’ai croisé ce matin la frégate australienne l’ Arunta. Nous nous sommes salués par la VHF. La mer est sans doute le dernier lieu où les hommes ont gardé le sens vrai de la civilité.

Le capitaine m’a avisé de prévisions météo assez mauvaises pour les jours à venir et, apprenant que je naviguais seul, m’a conseillé vivement soit de me détourner sur Puerto Williams, soit au moins de m’abriter dans la baie de l’Île Hoste. Je l’ai bien entendu remercié très courtoisement. Quelques minutes plus tard, j’ai décidé de couper toutes les communications d’Astraeos. Je ne veux plus avoir à connaître des hommes. Je n’ai plus rien à leur donner et n’espère définitivement plus rien d’eux.

En fait, je les ai quittés il y a quatre-vingts jours. Quatre-vingts jours que j’ai pris le large des hommes.

Jeanne, Paul, vous me manquez, terriblement.

15 mars. Position : 44° 37’ S – 99° 41’ W  vent NE, force 5 à 6. Au large des côtes du Chili. Pression 1010Hpa. Ciel très couvert.

Direction de vent exceptionnelle pour la zone et qui ne durera certainement pas. Je dois tirer des bords. Le bateau remonte bien et se fait plaisir avec des pointes à 10 nœuds. Le baromètre a légèrement descendu, mais rien d’alarmant.

Le Cap Horn n’est plus qu’à quelques jours. Pourquoi a-t-il autant d’importance pour moi ? Je ne sais pas vraiment. Une destination mythique et donc une manière de retrouver le sacré de la création ?

Les bruits des vagues, du vent, les criaillements des mouettes, goélands, albatros et autres oiseaux marins sont ma compagnie. Je vis sous respiration assistée de la mer, mon oxygène. La solitude commence à apaiser ma douleur et l’oppression qui écrasait ma poitrine se relâche. Ce journal de bord a aussi un léger effet analgésique le temps de son écriture.

Je suis à plus de 900 miles de la côte. Autant dire à l’abri de tout secours. Je suis une longitude et une latitude, un point sur une carte. Infiniment petit, sur un océan immense.

Cent dix jours que j’ai pris le large, cent dix jours que j’ai pris le large de l’espace.

Jeanne, Paul, vous me manquez, terriblement.

A suivre dans la prochaine mise à jour.

extrait de  “Sur le fil”

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1 réflexion sur “Le cap des tempêtes (suite1)”

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