Des mots que snobe le sérieux des dictionnaires, traînent dans ma mémoire.
De vieux mots dont il semblerait que la seule fonction ait été de dire le monde autrement que dans sa version officielle, et qui ignoraient totalement la façon dont ils avaient été transmis et, donc, leurs racines.
Ainsi le buis.
Oui, cet arbuste généreux, à feuilles persistantes, et qui pousse librement le long des murailles ou alors qu’on entretient artificiellement dans son jardin.
En Charente-Maritime, le château du Douhet, qui se trouve à mi-distance environ de Saintes et de Saint-Jean-d’Angely, peut s’enorgueillir d’une antique forêt entièrement composée de buis, aux troncs torsadés, rugueux et épais.
Je me suis laissé dire qu’elle avait été plantée par Charlemagne, cette forêt singulière.
Le long du chemin qui montait chez Zozo, là où il s’était assis en revenant de chez Bertin, l’éleveur de chèvres, souvenez-vous, il y avait un épais buisson de buis dans lequel se chamaillaient des moineaux.
Nos chemins d’école étaient également bordés de très vieilles haies de buis. Nous en récoltions les fruits, en forme de petites marmites, pour jouer, pour le plaisir de les aligner sur des fils.
Mais jamais nous n’aurions appelé ce buis du buis… et la plante n’était guère en odeur de sainteté, c’est le cas de le dire, au foyer familial. Ma mère n’aimait pas le buis… C’était là une plante de bigot, une chafouine qui aimait à se faire bénir.
Et justement… Il eût alors mieux valu, pour être cohérents, que nous la nommions par son vrai nom, cette plante cabotine !
Or, nous l’appelions, nous les païens, athées, mécréants, d’un nom que je ne saurai orthographier correctement, hosanne ou ausanne… Comme on veut. Comme on l’entend.
Nous causions. Nous n’écrivions pas.
Une palisse d’hosanne, disions-nous, et le mot, transmis de bouche à oreille, de chemins creux en chemins creux, le mot oral, que seul porte le vent des conversations à travers les âges, venait donc directement d’Hosanna, ce chant, ou cette interjection de joie, qui célèbre l’entrée de Jésus perché sur un âne à Jérusalem, le jour des rameaux, le sol étant alors jonché de branches de buis, jetées par la foule.
Hosanna, mot hébreux, signifiant Sauve-nous, s’il te plaît !
Avec notre patois, nous disions donc le buis dans toute sa symbolique chrétienne et notre ignorance spontanée n’avait alors d’égal que la justesse de nos étymologies.
Bertrand Redonnet